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Après 13 ans d’expérience en tant que business-angel dont près de 4 ans à temps plein, j’ai finalement compris que l’une des premières raisons de l’échec des startup résidait dans les conflits entre fondateurs.
Je ne parle pas du lancement d’un mauvais produit, de dépenses excessives, ou d’erreurs de recrutement, mais bien de la destruction de l’entreprise par ses propres fondateurs.
Tout d’abord, il faut être franc, la gestion d’une startup n’est pas du tout une partie de plaisir … Cela demande un travail gigantesque, du focus et de l’organisation. Et évidemment, pour être en mesure de maintenir l’entreprise en vie jusqu’à son éventuel décollage, les fondateurs doivent gérer efficacement leur trésorerie.
Un vrai startupper travaille beaucoup, fait face à beaucoup de problèmes, souvent et à tout moment (trésorerie, embauche, technique, marketing), il ne dort pas beaucoup et empiète allègrement sur sa vie personnelle. C’est donc beaucoup de pression dans la durée.
Je reçois régulièrement des témoignages de fondateurs au bord de la crise de nerfs devant les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
(Je reviendrai sur la vie dans les startups dans un prochain billet.)
Lorsque vous êtes confrontés à des problèmes dans votre vie professionnelle ou personnelle, vous avez au moins deux façons de les appréhender:
(A) Le problème n’est pas de ma faute (je travaille tellement, je suis sûr que je fais bien mon “job”) … quelqu’un / quelque chose d’autre en est la cause.
(B) Le problème n’est pas insoluble, ça fait partie de la vie. Trouvons comment le résoudre.
Dans le premier cas, le fondateur (A) est presque toujours aux aguets pour surveiller comment ses co-fondateurs fonctionnent … et bien sûr, il trouve toujours à redire sur leur attitude, et conclut invariablement qu’ils sont la cause du problème !
Parfois, il trouvera que ses cofondateurs travaillent trop lentement, ou pas assez, ou ne font pas bien leur travail.
L’année dernière, le co-fondateur de l’une de nos startups m’a expliqué : “Tu sais, je viens au bureau à 8h du matin et je pars chaque soir à 23 h. Tu trouves normal que mon co-fondateur arrive à 10h du matin et parte à 21 heures? Pourquoi dois-je travailler plus que lui ?”
Ce à quoi j’ai répondu: “C’est ton cofondateur qui est dans le vrai, pas toi !”
Outre le fait que travailler de 10 heures à 21 heures, c’est déjà trop, je peux vous certifier que les entrepreneurs/travailleurs les plus productifs ne passent pas toute leur vie au bureau. (J’écrirai aussi à ce sujet dans un prochain billet.)
Dans ce cas précis, la divergence entre les cofondateurs était si forte que nous avons dû séparer l’activité en 2 entreprises distinctes. Je ne pense pas que cela ait résolu quoi que ce soit, et il est probable que le second réussisse mieux que le premier.
Autre témoignage. Un fondateur me raconte : “Mon co-fondateur est vraiment très mauvais, il a fait une terrible bourde en envoyant une lettre à toute notre base d’utilisateurs (y compris les utilisateurs non-inscrits). C’est un cauchemar !”
Ce à quoi j’ai répondu: «Qui sur cette planète peut se prévaloir de n’avoir jamais fait d’erreur ? Personne ! Alors pourquoi penses-tu qu’il soit si mauvais ? Il a développé 95% du code de l’entreprise, 99% de vos utilisateurs supprimeront purement et simplement cet e-mail en 1 seconde. Ce n’est pas si grave.»
Ce sont juste deux petits exemples, mais je pourrais passer des jours à vous raconter des histoires similaires et récurrentes dans presque toutes les startup … mais il y a un secret derrière tout ça:
Dans le Talmud (Kidushin, Daf 70B), nous découvrons quelque chose de pertinent et adapté à ces situations.
Cela dit : כָּל הַפּוֹסֵל בְּמוּמוֹ פּוֹסֵל
Cela signifie que lorsque quelqu’un déprécie injustement quelqu’un d’autre à propos d’un défaut spécifique, c’est souvent parce qu’il voit en l’autre un défaut qu’il a lui-même.
Dans notre cas, lorsque l’un des fondateurs pense qu’un autre co-fondateur ne travaille pas suffisamment ou ne fait pas son travail correctement, c’est probablement parce que lui-même ne travaille pas correctement.
Je ne dis pas qu’il n’existe pas de cas où l’un des co-cofondateurs est réellement mauvais, mais, la plupart du temps, cela se voit rapidement, dès les premiers mois d’existence de l’entreprise. Si cela arrive au bout de 6 mois, la plupart du temps, cela signifie que le co-fondateur incriminé n’est pas en cause ou en tout cas, que l’échec de la société ne lui est pas imputable.
Des divergences peuvent également se produire lorsque l’un des cofondateurs travaille sur un autre projet en parallèle sans l’approbation des autres co-fondateurs. Alors, dans ce cas, oui, vous avez une véritable raison d’être en colère.
Alors, comment gérer ce type de situation?
Si vous êtes dans le cas du Fondateur A, concentrez-vous uniquement sur ce que vous faites, et sur ce que vous avez à faire.
Cessez de toujours vouloir vérifier ce que fait votre cofondateur. Renoncez à essayer de le corriger, de le changer comme le ferait un père.
Comme dans un couple, cela ne fonctionne presque jamais et ce genre d’attitude conduit souvent à une séparation.
Si vous pensez que votre cofondateur peut améliorer les choses, allez au restaurant, parlez ensemble et commencez par lui demander :
– Comment penses-tu que nous pouvons améliorer la société ?
– Comment peut-on résoudre ce problème ?
– Devons-nous engager ce type de profil ?
Discutez ensemble de toutes ces questions.
Renoncez à le mettre en cause personnellement, parce qu’en bout de course, ce que vous voulez, c’est que votre entreprise réussisse.
Suite à votre discussion, formalisez par écrit qui doit faire quoi et fixez ensemble des dates d’échéance pour chacun, et arrêtez de penser à sa part de travail à lui, occupez-vous de la vôtre. Comme je vous l’ai dit, la plupart du temps, ce n’est pas lui le problème.
Si, après quelques mois, vous pensez toujours qu’il y a un vrai problème, parlez-en d’abord avec un autre entrepreneur/mentor et demandez-lui conseil. Ne soyez pas obnubilé par cette situation, cela vous desservirait.
Et si vraiment tout le monde est d’accord sur le problème, alors, parlez-en avec votre co-fondateur … et aidez-le à améliorer la façon dont il travaille… parce qu’essayer de virer un cofondateur n’aboutit que rarement à de bons résultats, et la plupart du temps cela tue l’entreprise.
Il y a quelques semaines, j’ai entendu l’histoire d’une entreprise dont le fondateur cherchait à virer son co-fondateur pour finalement être viré lui-même par les investisseurs/actionnaires … 😉
Un dernier mot : je recommande vivement de lancer une entreprise avec au moins 2 cofondateurs, idéalement avec 3. Lorsque vous aurez des difficultés à résoudre, vous serez beaucoup plus efficaces en travaillant tous ensemble. Je vais également écrire bientôt à ce sujet.
N’oubliez pas de négocier et de signer un accord entre fondateurs pour définir précisément le rôle de chacun.
Un modèle est disponible ici
Je ne l’ai pas étudié en profondeur, mais il me semble qu’il y manque une clause d’exclusivité stipulant que les fondateurs ne peuvent s’investir dans un autre projet sans l’autorisation des autres co-fondateurs. Selon moi, cette clause est capitale.
Bonne chance !
Merci à Myriam Rosenrib pour la relecture et traduction
Salut Jeremie,
j’aime beaucoup l’esprit qui se dégage de ce billet. L’exemple du couple est parfait : le problème est rarement la personne…
Contrairement à une idée reçue particulièrement en France, beaucoup d’entreprises qui ont réussi aux US ont été créées par un seul fondateur (Starbuck, Salesforce, Oracle, Ibm, CNN, ebay, Facebook,…) ce qui évite la principale cause d’échec des start ups ci-dessus illustrée.
[…] conseils de Jeremie Berrebi (que l’on ne présente plus), concernant les conflits entre co-fondateurs […]
Merci pour cet article. J’attends avec impatience les autres !
@Michel Nizon, Certaines des différentes entreprises que tu cites ont été fondées par plusieurs personnes. Starbucks (par 3 personnes), IBM (fusion de plusieurs entreprises) ou encore FaceBook (M.Z. a développé une partie du site grâce à certains de ses amis (algorithmes, idées, aides, etc). Sans parler de ce qu’est devenu son site entre sa sortie sur le campus d’Harvard et son ouverture au reste du monde que M.Z. n’a pas fait seul.).
Je pense que ce qui est dit en fin d’article est intéressant. Monter son entreprise à plusieurs permet de traverser plus facilement les difficultés.
Article très intéressant.
Ce que tu dis sur les horaires de travail est hélas révélateur de beaucoup d’entrepreneur, mais cela ne touche pas que le co-fondateur, cela touche plus largement les salariés également. Beaucoup d’entrepreneurs jugent les salariés en fonction de leurs horaires de présence. Un jour un ami m’a dit “ah non, moi j’ai des salariés super efficace ils sont la de 8h a 22h, par contre j’en ai un autre il est tatillon sur les horaires”. Je lui ai dit “et tes super salariés, ils font quoi de la journée ? Si ils passent la moitié de la journée sur Facebook, ou bien sur internet, mais que ton salarié tatillon lui ne le fait pas, car il sépare vie pro et vie perso, crois moi le deuxieme est largement plus productif”.
Le probleme c’est qu’on a du mal a juger le travail effectué par le co fondateur, alors qu’il est simple de voir les horaires faites. Mais cela est un triste comportements de regarder les horaires, puisque cela veut dire que l’on ne fait pas confiance a son associé, et j’ai envie de dire, a partir du moment ou tu regardes les horaires de ton associé, c’est soit que le mec fait rien et je ne vois pas ce que tu fais avec lui, soit qu’il bosse bien, et que t’arrivera jamais a lui faire confiance, donc je ne vois pas non plus ce que tu fais avec lui.
On va dire que le probleme de confiance avec quelqu’un est difficile, parceque l’esprit entrepreneur, est difficilement liable avec un associé, puisque en général un entrepreneur a des idées qu’il veut voir réalisé. Donc pour lui quand il y a un echec du a une idée de son associé, il ne va pas se dire “merde on a mal fait le truc” mais “ca c’est son idée qu’est nul” C’est comme le “nous” et le “ils” en football. Je suis pas fan de foot du tout, mais les supporteurs de foot, quand il y a une victoire c’est “on a gagné” quand ils perdent c’est “ils ont perdu, ils ont été nul”.
Mais bon, moi avec mon associé on s’entend super bien car on est potes d’enfance, du coup on a la meme mentalité, les memes experiences, les memes sources, donc les idées sont différentes, mais on arrive toujours a prendre nos idées respectives et les améliorer ensemble plutot que de s’opposer. C’est sans doute notre force, face a 2 associés qui se sont connu juste en école de commerce comme beaucoup. On a appris a faire des concessions, et a s’opposer clairement quand ca va pas, tout en gardant une bonne ambiance entre nous, puisque on a pas envie de gacher notre amitié a cause du taf. Je dis pas que cela est forcément une réussite financiere a tous les coups, il y a des hauts et des bas, mais au moins il n’y a pas d’embrouille ni de jugement entre nous.
Désolé pour le roman, mais le sujet est interessant.
[…] de personnalité : prenez le temps avant de vous associer de bien vous connaitre. En 2013, Jérémie Berrebi pointait les conflits entre co-fondateurs comme première cause d’échec d’une […]